En cette Année internationale pour la préservation des glaciers, proclamée par les Nations unies et après un été caniculaire, la question du futur et de la survie des glaciers pyrénéens résonne avec acuité. Eléments de réponse.
les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Dans les Pyrénées, on comptait 100 glaciers en 1850, 44 en 2000, 17 aujourd’hui et sans doute aucun en 2034 », rappelle Pierre René, glaciologue et président fondateur de l’Association Moraine créée en 2001. Cette dernière suit de près leur évolution du côté français et du côté espagnol. « Depuis vingt ans, on est passé de 5 km² de glace en 2000 à 1,7 km² aujourd’hui. Les glaciers sont des miroirs du climat. On voit une accélération de la fonte depuis 2000 due à une augmentation globale des températures. Pour que les glaciers subsistent, il faut de la neige en hiver qui reste en été : ces conditions ne sont plus réunies, donc il n’y a plus de régénération des glaciers. »
Mais au fait, qu’est-ce qu’un glacier ?
L’association Moraine nous en propose une définition simple, « un stock d’eau solide à l’échelle humaine. » C’est donc le critère de temps qui prévaut pour définir un glacier : une masse de glace ayant au moins l’âge d’un homme est un glacier ! Les plus anciens glaciers pyrénéens sont multimillénaires. Leur fonte, accélérée depuis le tournant du siècle, transforme irrémédiablement les paysages.
Des conséquences pour les alpinistes
Les paysages de haute montagne se modifient. L’Aneto, le Vignemale ou le Mont-Perdu, jadis marqués de langues et crevasses scintillantes, offrent désormais une vision monochrome. « Les conséquences de cette fonte, c’est la modification des voies d’accès aux glaciers pour les alpinistes. Sans parler de la biodiversité qui se modifie, car les masses glaciaires créent un milieu polaire miniature menacé de disparition » ajoute Pierre René. « Dans les années 2000, l’étude des glaciers pyrénéens était un peu délaissée, je me suis fait aider par des collègues des Alpes pour recenser les glaciers et les mesurer. » L’association Moraine a dressé en 2023 l’inventaire des glaciers encore présents : 10 en France, 7 en Espagne, répartis sur neuf massifs, dont le Vignemale, Balaïtous ou Aneto. Les 3 plus grands glaciers sont Ossoue, Aneto et Mont-Perdu. En France ils sont répartis entre les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et l’Ariège. Il n’y a pas de glaciers dans les Pyrénées- Atlantiques. Mais ces « survivants » portent déjà les stigmates d’une fin de vie : surfaces plates, recouvertes de cailloux, absence de mouvement, allure fine, retrait. « Ils sont devenus immobiles », constate Pierre René. Dans les Pyrénées, leur inventaire ne prend en compte que les glaciers supérieurs à 2 hectares et les classe en deux familles ; glaciers véritables (permanence à l’échelle humaine, présence de crevasses caractéristiques d’un écoulement glaciaire) et glaciers résiduels (avant des glaciers véritables mais aujourd’hui dépourvus de signes d’écoulement).
Construire une mémoire
La question est désormais celle de la mémoire. Une nécessité pour celui qui accompagne régulièrement des groupes au pied des glaciers encore accessibles, comme l’Ossoue ou le Taillon par la brèche de Roland (Mont-Perdu Gavarnie). « Je donne les éléments factuels et j’appuie sur l’aspect émerveillement du milieu glaciaire. Visiter un glacier, c’est comme un voyage en terres polaires. C’est un milieu qui déclenche de l’émotion » confirme le glaciologue, qui s’apprête à devenir peut-être un historien. « Une chaîne de montagnes qui n’aura plus de glaciers, voilà l’illustration flagrante du réchauffement climatique. » En 2034, ce pourrait être le cas dans les Pyrénées. ■
Nathalie Faure
Pour en savoir plus…
À voir :The Melting Point (28 min), un documentaire d’Adrian San Roman qui expose le quotidien des chercheurs glaciologues qui mesurent l’évolution des glaciers français et espagnols. Le 15 octobre, une sortie géomorphologique dans la vallée de Gaube encadrée par un garde-moniteur du Parc national des Pyrénées vous est proposée depuis le pont d’Espagne (rens. 05 62 92 52 56). Deux expériences pour ancrer, dans la conscience collective, l’image d’une montagne qui change.
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glaciers répartis sur 9 massifs : 5 en France dans le 65, le 31 et le 09 (Balaïtous, Vignemale, Munia, Perdiguère et Mont Valler), 3 en Espagne, (Enfer, Posets et Aneto) et 1 transfrontalier (Gavarnie-Mont Perdu). Les trois plus grands glaciers des Pyrénées étant Ossoue, Aneto, Mont-Perdu. Pour rappel, il n’y a pas de glaciers dans le 64.
Dans les Pyrénées, Plus de la moitié des glaciers et plus de la moitié de leur surface ont disparu en vingt-cinq ans.
Pierre René, glaciologue, accompagnateur en montagne et créateur de l’association Moraine qui inventorie les glaciers pyrénéens côté français et côté espagnol.




















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