Christine Etchegoyhen est une exception dans l’exception. L’ingénieure est une des rares femmes à gérer des centrales hydroélectriques indépendantes. En Haut- Béarn et en Soule, elle est à la tête de cinq sites avec Forces Motrices de Gurmençon, poursuivant une histoire familiale de 130 ans. Plus qu’un simple outil, il s’agit d’un héritage professionnel et d’un patrimoine territorial.
Dans l’imaginaire collectif, seul EDF produit l’hydroélectricité, notamment grâce aux grands barrages en montagne. Pourtant, des petites structures indépendantes en font depuis la fin du XIXe siècle ! En Haut-Béarn et en Soule, la famille Etchegoyhen est une ambassadrice. Christine est la 4e génération qui exerce dans ce domaine.
Elle est à la tête des Forces Motrices de Gurmençon (FMG). L’entreprise gère six centrales hydroélectriques en Nouvelle-Aquitaine : deux à Mauléon, Gurmençon, Charritte, Libarrenx et Château-Ponsac (Haute-Vienne). L’ingénieure de formation y a fait toute sa carrière. Un choix naturel, non dicté par sa famille.
« Mes parents m’ont laissé faire mes études. Puis quand je les ai terminées, mon père m’a proposé de nous rejoindre. Une paire de bottes, une boîte à outils et c’était parti. Depuis, je suis restée. Je m’y plais beaucoup parce que c’est une activité très variée. »
L’humain avant tout
Une femme dans un milieu masculin, une filiation : Christine Etchegoyhen a dû faire face à quelques préjugés. Mais la valeur travail a rapidement mis tout le monde d’accord. « J’avais à coeur de prouver, même si j’étais dans la famille, que j’avais de la valeur. Certes, je n’avais pas la force des hommes, mais je pouvais contribuer et apporter avec une sensibilité différente ou mes compétences, une vision complémentaire. J’avais besoin d’être valorisée en tant que technicienne, et pas fille de. »
Chez la Souletine, la logistique est ancrée. Elle aime acquérir la connaissance des sites, le fonctionnement, les raisons de réaliser telle ou telle opération. Mais au fil de sa carrière, elle s’est davantage tournée vers l’humain. Ces dernières années, FMG a effectué des grands chantiers sur ses sites de Gurmençon et Charritte. L’humain a joué un rôle prépondérant.
« On fait beaucoup de choses en interne, de la maîtrise d’oeuvre jusqu’à l’exploitation. Je ressens une immense fierté du travail collectif réalisé et ces belles réussites n’auraient pas existé sans mes équipes et celles de nos prestataires. Apprécier la valeur de l’homme dans le travail au quotidien, c’est une révélation. »
Le poumon d’un territoire
L’humain se ressent également dans le processus de vente. Si les Forces Motrices de Gurmençon fournissent de l’électricité à EDF via une obligation d’achat, elle en produit également pour Energie d’ici, une sorte de coopérative montée avec des confrères locaux au moment où le prix de l’énergie s’est effondré. Christine Etchegoyhen et ses 7 salariés renouent alors avec l’histoire familiale, née par le circuit court.
« On ouvre nos centrales pour que le consommateur voit comment et avec qui l’électricité est produite. Les clients d’Energie d’Ici habitent généralement proche des centres de production. Cela me tient à coeur de vendre à Énergie d’ici parce qu’on retrouve la boucle locale. »
Les centrales hydroélectriques, comme Gurmençon et Charritte, couvrent la consommation annuelle du village. Celle de Mauléon représente 60 % de la consommation résidentielle. Un apport non négligeable et la fierté d’un territoire. « Les élus locaux et les habitants sont heureux car même si le barrage peut parfois gêner l’accès à l’eau, l’activité n’est pas délocalisable. Puis, vous cochez les cases énergie renouvelable, production locale, circuit court », distille avec passion la dirigeante.
Un patrimoine environnemental
Le territoire a noué un vrai attachement au fil des années. Tout le monde connaît quelqu’un qui a travaillé pour les Forces Motrices de Gurmençon, comme salarié ou prestataire. Un patrimoine traditionnel construit de génération en génération. « Par définition, on ne travaille pas pour l’éphémère, mais pour le durable. On améliore et adapte les outils, sans tirer un trait sur les bases solides du passé. Les centrales sont des socles comme l’église, le cimetière, le fronton, le château fort. C’est fortement lié au territoire. »
Un patrimoine non seulement immobilier mais aussi environnemental. L’eau, comme source principale d’énergie, est évidemment surveillée. Mais la faune, la flore et les événements climatiques sont autant d’éléments à prendre en compte dans la production hydroélectrique. Avec ses collaborateurs, Christine Etchegoyhen travaille sur ces sujets entre installation de passeurs pour les poissons, utilisation attentive de produits et regard sur l’évolution météorologique. L’équilibre est fin à trouver.
« On a à coeur de la préserver. Il existe une relation hyper intime avec la nature. Il ne faut pas se laisser déborder et ne pas trop empiéter. Il est possible de concilier l’activité humaine avec la préservation de la nature. »
La Souletine est confiante pour la filière hydroélectrique dans le bassin de l’Adour. Elle pense que le potentiel pourrait même être développé dans le futur. À travers FMG, elle participera au mouvement. Avec passion et modestie. « Cette histoire et expérience familiale, elle est importante. C’est la ligne de vie de tout ce qu’on entreprend. Cela donne du sens à ce que je fais. On sait que l’on n’est que de passage pour pérenniser et, si possible, optimiser un patrimoine que l’on nous a confié. La transmission est primordiale.»
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